29/07/2017

La paye, le plaisir et le pèlerinage : divergences soviéto/américaines - avec une allusion à un chat bien connu pour tous ses états


Artiste inconnu - Affiche soviétique pour Charles Chaplin - Le pèlerin / Une journée de plaisir / Jour de paye, ca 1923
Via Rennet's Gallery







Charles Chaplin - The Pilgrim / Le pèlerin, 1923
Comparaison et mise en ligne par Joao Antônio Franz






Charles Chaplin - A day's pleasure / Une journée de plaisir, 1919
Comparaison et mise en ligne par Joao Antônio Franz


Analyse de quelques écarts entre une version diffusée en Russie soviétique et la version classique (voir le DVDde la Chaplin Revue. Comme souvent dans le monde du cinéma muet, il existait des versions multiples. Dans le cinéma parlant aussi, d'ailleurs. Sans parler de la multiplicité des mondes (plus ou moins) réels (en anglais) (1).




(1) En français, plus long, par là. Mais de toute façon, on se le demande toujours.



26/07/2017

L'art de la fenêtre : Dodd / Moore



Lois Dodd - Blue Sky Window, 1979
Huile sur toile






John Moore - Window, 2011
Huile sur toile
Via E. V.

22/07/2017

Une ville, un coup de couteau, un index gauche et la vraie recette du guacamole


Rudy Toombs - I'm shakin', chanté par Little Willie John
Mis en ligne par RoverTCB



Il faut rendre à César ce qui est à César, c'est bien Rudy Toombs qui a écrit I'm shakin', même si c'est Little Willie John qui a fait connaître cette chanson. De même, c'est  Peggy Lee qui a vendu Fever au monde entier, quand bien même Little Willie John a été le premier à le chanter, et de quelle manière, alors qu'il avait à peine 18 ans (1).

Rudy Toombs, l'homme qui a écrit One scotch, one bourbon, one beer, le songwriter d'Otis Williams et Ruth Brown, finit battu à mort par des cambrioleurs dans son entrée d'immeuble à Harlem, en 1962. Six ans plus tard, Little Willie John mourait - officiellement de pneumonie - à Walla Walla, le pénitentier de l'état de Washington, où il était emprisonné pour meurtre - un coup de couteau un peu vif après un concert, dans un bar de Seattle où il avait laissé sur le carreau un colosse qui embêtait sa copine d'un soir. That's right, you got me nervous, comme il le dit dans I'm shakin'.



Rudy Toombs - I'm shakin', chanté par Jack White
Mis en ligne par jackwhite



Jack White n'a jamais tué personne et, jusqu'ici, personne ne l'a tué. La pire chose qui lui soit arrivée, c'est probablement de s'être cassé l'index gauche dans un accident d'auto, ou de manger du guacamole mal préparé. Jack White a eu de la chance : il est blanc. Mais il a un point commun avec Little Willie John : il sont de Detroit, tous les deux. Cette ville a quelque chose, avec la musique, c'est peut-être pour ça qu'elle refuse obstinément de mourir.




(1) Sur Little Willie John, en français, lire les paragraphes inspirés que lui consacre Pierre Evil dans un livre que les chats ont déjà mentionné : Detroit sampler, Ollendorff & Desseins éd. 2014, pp. 148-153.


Accessoirement, pour tous ceux qui s'intéressent au blues, au boogie, au R&B, au doo-wop... à tous ces trucs noirs de peau qui sont à la base, à la racine et qui sont l'essence même de ce que naguère les jeunes appelaient lerock, il existe un livre (en anglais).

19/07/2017

Musique pour nuages : reprise



Je ne le fais pas souvent, mais je republie cet article du 19 janvier dernier à l'occasion de la reprise en (quelques) salles françaises, ce mercredi, de Nuages épars - profitez-en, Midaregumo n'est plus (tout à fait) introuvable...




Tōru Takemitsu - Musique pour Midaregumo / Nuages épars, de Mikio Naruse, 1967
Mis en ligne par TheUnknown837




Nuages épars est une splendeur crépusculaire et introuvable. Crépusculaire parce que c'est le dernier film de Naruse qui meurt deux ans plus tard, que Mizoguchi et Ozu sont déjà morts eux, depuis un bail, et que Kurosawa traverse alors le désert hollywoodien : fin d'une époque.

Introuvable en dvd (à ma connaissance il n'a jamais figuré que sur le canal Hulu de la Criterion collection) et jamais visible en salle, sauf miracle il vous faudra attendre une rétrospective Naruse en cinémathèque, mais dans ce cas-là précipitez-vous. Je me souviens l'avoir vu une seule fois, en 2003.




Mikio Naruse - Midaregumo / Nuages épars, 1967
Mis en ligne par yutorideath
(et désolé pour l'anamorphose...)



L'argument initial de Nuages épars est curieusement assez proche du Broken lullaby (L'homme que j'ai tué) de Lubitsch (1). Mishima tue involontairement Hiroshi dans un accident de la circulation. Il veut s'excuser auprès de sa veuve Yumiko et la dédommager, mais tout d'abord elle ne veut pas entendre parler de lui. Plus tard ils se retrouvent par hasard dans la même ville, elle après avoir été évincée par la famille de son mari défunt, lui muté par son entreprise. Leur seconde rencontre se transforme en un amour naissant - qui restera mort-né. De cet argument Naruse tire un mélodrame doucement inexorable. Deux solitudes parallèles cheminent dans la campagne japonaise, une expiation impossible se résout au final dans une implosion de tristesse partagée. Rares sont les films qui laissent à ce point un goût de fatalité - et les thèmes de Takemitsu n'y sont pas non plus pour rien.


Tōru Takemitsu (1930-1996) a composé la musique de dizaines de films, dont Kwaïdan, Dodes'kaden, La cérémonie, Une petite soeur pour l'été, L'empire de la passion, Ran, Pluie noire...

...mais encore ceci : 




Tōru Takemitsu - Rain spell, 1980
Mis en ligne par TheWelleszCompany





...ou, pour finir dans un bar :



Tōru Takemitsu - Valse
Musique pour Hiroshi Teshigahara - Tanin no kao / Le visage d'un autre, 1966
Paroles en allemand de Tatsuji Iwabuchi, chantées par Beverly Maeda
Mis en ligne par LoveExposure





(1) Pour la fin, il est plus proche de ce que François Ozon en a récemment refait.

17/07/2017

Ciel... il pleut sur les saisons


Nicolas Poussin - Les quatre saisons - L'été ou Ruth et Booz, 1660-64
Musée du Louvre
Via Rivage de Bohème



Les inondations du 9 juillet dernier n'ont pas seulement touché le métro, mais aussi les caves de la BnF, où une centaine de manuscrits médiévaux auraient été endommagés et, plus gravement, le musée du Louvre.

Selon des témoignages concordants recueillis par La Tribune de l'art le 10 juillet :

"trois des tableaux des Saisons de Nicolas Poussin ont été endommagés par l’eau, une peinture de Jean-François de Troy également. Les réserves des antiquités égyptiennes et orientales ont été inondées, heureusement sans dommage pour les œuvres, tandis que des faux plafonds des salles de l’Orient méditerranéen dans l’Empire romain, refaites en 2012 (!), se sont effondrés et que des tissus coptes ont été mouillés. Les toiles françaises dans la salle des Sept Cheminées ont été enlevées en raison des infiltrations. Toutes ces informations sont incomplètes car le Louvre estime manifestement que cela ne regarde pas le public."




Nicolas Poussin - Les quatre saisons - L'hiver ou le déluge, 1660-64
Musée du Louvre
Via Rivage de Bohème




Le plus significatif dans cette affaire, c'est le silence de la direction du musée, qui a attendu la publication du post de Didier Rykner et l'annonce d'un article du Monde pour s'exprimer le 13 juillet seulement. Silence dans la presse également jusqu'à la publication du communiqué du Louvre, comme le relève le site Arrêt sur image (sur abonnement). L'occasion de rendre hommage une fois de plus à La Tribune de l'Art, principal site indépendant consacré à l'histoire de l'art.

14/07/2017

Ciel... la frontière


Le mur de la frontière indo-pakistanaise illuminé la nuit, vu d'un satellite
Photo NASA
Source



La Line of Control (LoC) entre l'Inde et le Pakistan est une double barrière barbelée longue de 2700 kilomètres, sur une longueur totale de 2900 pour l'ensemble de la frontière. Sa construction a commencé en 2004 le long des provinces du Jammu et du Cachemire; elle est aujourd'hui presque terminée.

De nuit, la LoC...






...est éclairée par quelque 50.000 projecteurs...




La Line of Control, de nuit




...ce qui fait de la frontière indo-pakistanaise une ligne  visible de l'espace.


L'Inde finit de construire le même type de barrière, sur 2700 kilomètres, le long de sa frontière avec le Bangla-Desh.



La barrière Inde-Bangla-Desh




Le Pakistan, de son côté, a le même projet le long de sa frontière avec l'Afghanistan.

Les barrières frontalières du siècle dernier ne se limitaient certes pas aux 55 kilomètres du mur de Berlin. Pourtant, il semble bien que sa chute, la fin du monde biface est-ouest et la convergence des deux systèmes qui le polarisaient ne se soient pas traduits par une réduction des murs, mais par leur multiplication.



Evolution du nombre de murs frontaliers, 1945-2011



Surtout, certains de ces artefacts ont une fonction qui dépasse clairement leurs objectifs déclarés. La barrière du Bangla-Desh, avec sa petite armée permanente, ses 1000 morts depuis la construction et son protocole secret de shoot to kill, est assez surdimensionnée si elle ne vise que la contrebande et le passage de bétail. Les migrations qu'elle anticipe - ou qu'elle prévient déjà - sont des migrations climatiques venant d'un pays qui se trouvera sous les eaux, pour un quart à un cinquième de son territoire, d'ici la fin du siècle. Ces lignes que l'on voit de l'espace nous disent que nous entrons dans un nouveau monde - ou plutôt, qu'on fera tout pour nous empêcher d'y échapper.



09/07/2017

Le bar du coin : Sorolla


Joaquín Sorolla y Bastida - Rogelio Gordón prenant son apéritif, 1918 
Huile sur carton 
Musée San Telmo, Saint-Sébastien




De Sorolla, déjà.

07/07/2017

Les intérieurs sont habités : Carl Grossberg


Carl Grossberg - Intérieur, 1935
Huile sur toile
Via kritika



La salle de réunion est vide; elle était déjà vide en 1935; elle l'est toujours aujourd'hui; les réunions ne servent à rien; on ne voit plus personne dans la salle de réunion.

Sauf les chats; les chats rôdent encore. Les chats sont de retour. En Juillet et Août la fréquence des chats sera hebdomadaire.

Plus ou moins.

Portez-vous bien. Ne vous réunissez pas sans raison. Mais si vous avez une bonne raison...

...alors, faites-le. La salle est libre.