21/09/2016

L'art de la lecture : portrait craché






L'enfance, c'est vraiment un rêve dont on s'est réveillé, une autre vie avant la vie - et dont il ne reste plus que des images inaccessibles, aussi étrangères que des images oniriques ou cinématographiques. Non pas à cause de l'éloignement temporel, mais d'une différence de nature : dans ce que j'ai ressenti étant enfant, il y a une qualité de merveilleux et d'immédiateté qui est incomparable avec les impressions plus tardives (quelle que soit leur ancienneté), qui semble venir d'une autre personne. Au point que les souvenirs qui m'en restent, si j'essaie de les décrire, ils ne se présentent que sous l'apparence de photos aplaties, sans épaisseur (et d'ailleurs je n'ai plus de goût pour mes photos d'enfance, j'ai plutôt une certaine tristesse en revoyant ces images d'une bonne volonté et d'un bonheur détrompés). Le seul chemin vers l'enfance, c'est une manière d'écrire qui me ferait oublier que j'existe, qui me ferait exister à la fois dans l'instant et dans l'éternité. 

Noël Herpe - Journal en ruines, L'arbalète gallimard éd. 2011
Entrée du 1er janvier 1999, p. 151



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