17/02/2011

L'homme de la rue




C'est une rue, tout près de chez les chats...




Ça, c'était l'ancienne plaque...






...la nouvelle se veut plus explicite. Mais philosophe et sociologue, n'est-ce-pas un peu pâle pour l'auteur des Réflexions sur la violence et des Matériaux d'une théorie du prolétariat ?

Imaginons une autre plaque, plus précise dans ses éloges :






...et ceux à qui un tel hommage paraîtrait intempestif, hors de propos ou suranné, encourageons-les à lire ce passage de l'auteur :


"Il ne faut pas espérer que le mouvement révolutionnaire puisse jamais suivre une direction convenablement déterminée par avance, qu'il puisse être conduit suivant un plan savant comme la conquête d'un pays, qu'il puisse être étudié scientifiquement autrement que dans son présent. Tout en lui est imprévisible. Aussi ne faut-il pas, comme ont fait tant de fois les anciens théoriciens du socialisme, s'insurger contre les faits qui semblent être de nature à éloigner le jour de la victoire.

Il faut s'attendre à rencontrer beaucoup de déviations qui sembleront remettre tout en question; il y aura des temps où l'on croira perdre tout ce qui avait été regardé comme définitivement acquis; le trade-unionisme pourra paraître triompher même à certains moments. C'est justement en raison de ce caractère du nouveau mouvement révolutionnaire qu'il faut se garder de donner des formules autres que des formules mythiques : le découragement pourrait résulter de la désillusion produite par la disproportion qui existe entre l'état réel et l'état attendu; l'expérience nous montre que beaucoup d'excellents socialistes furent ainsi amenés à abandonner leur parti.

Lorsque le découragement vient pour nous surprendre, rappelons-nous l'histoire de l'Église, histoire étonnante, qui déroute tous les raisonnements des politiques, des érudits et des philosophes, que l'on pourrait croire parfois conduite par un génie ironiste qui se plairait à accumuler l'absurde, dans laquelle le développement des institutions a été traversé par mille accidents. Maintes fois les gens les plus réfléchis ont pu dire que la disparition n'était plus qu'une question de quelques années; et cependant les agonies apparentes étaient suivies de rajeunissement.

Les apologistes du catholicisme ont été si frappés de l'incohérence que présente cette histoire qu'ils ont prétendu qu'on ne saurait l'expliquer sans faire intervenir les desseins mystérieux de la Providence. Je vois les choses sous un aspect plus simple; je vois que l'Église s'est sauvée malgré les fautes des chefs, grâce à des organisations spontanées; à chaque rajeunissement se sont constitués de nouveaux ordres religieux qui ont soutenu l'édifice en ruines, et même l'ont relevé. Ce rôle des moines n'est pas sans analogies avec celui des syndicats révolutionnaires qui sauvent le socialisme; les déviations vers le trade-unionisme, qui sont la menace toujours redoutable pour le socialisme, rappellent ces relâchements des règles monastiques qui finissent par faire disparaître la séparation que les fondateurs avaient voulu établir entre leurs disciples et le monde.

La prodigieuse expérience que nous offre l'histoire de l'Église est bien de nature à encourager ceux qui fondent de grandes espérances sur le syndicalisme révolutionnaire et qui conseillent aux ouvriers de ne rechercher aucune alliance savamment politique avec les partis bourgeois - car l'Église a plus profité des efforts qui tendaient à la séparer du monde que des alliances conclues entre les papes et les princes.
"


Georges Sorel - La décomposition du marxisme (1908)

2 commentaires:

RgZ a dit…

Merci pour le post - j'aime bien le passage que vous avez choisi.

loeildeschats a dit…

Et merci à vous pour les Notes on Dialectics de CLR - cela fait longtemps que je les cherchais...